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sormais séparés. »
L'ermite pleura et adora Dieu : « Dieu, beau roi tout-puissant ! Je vous
rends grâces de m'avoir laissé vivre assez longtemps pour venir en aide à
ceux-ci ! » Il les conseilla sagement, puis il prit de l'encre et du parchemin
et écrivit un bref où Tristan offrait un accord au roi. Quand il y eut écrit
toutes les paroles que Tristan lui dit, celui-ci les scella de son anneau.
« Qui portera ce bref ? demanda l'ermite.
Je le porterai moi-même.
Non, sire Tristan, vous ne tenterez point cette chevauchée hasar-
deuse ; j'irai pour vous, je connais bien les êtres du château.
Laissez, beau sire Ogrin ; la reine restera en votre ermitage ; à la tom-
bée de la nuit, j'irai avec mon écuyer, qui gardera mon cheval. »
Quand l'obscurité descendit sur la forêt, Tristan se mit en route avec
Gorvenal. Aux portes de Tintagel, il le quitta. Sur les murs, les guetteurs
sonnaient leurs trompes. Il se coula dans le fossé et traversa la ville au
péril de son corps. Il franchit comme autrefois les palissades aiguës du
verger, revit le perron de marbre, la fontaine et le grand pin, et
s'approcha de la fenêtre derrière laquelle le roi dormait. Il l'appela dou-
cement. Marc s'éveilla :
« Qui es-tu, toi qui m'appelles dans la nuit, à pareille heure ?
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Sire, je suis Tristan, je vous apporte un bref ; je le laisse là, sur le
grillage de cette fenêtre. Faites attacher votre réponse à la branche de la
Croix Rouge.
Pour l'amour de Dieu, beau neveu, attends-moi ! »
Il s'élança sur le seuil, et, par trois fois, cria dans la nuit :
« Tristan ! Tristan ! Tristan, mon fils ! »
Mais Tristan avait fui. Il rejoignit son écuyer et, d'un bond léger, se mit
en selle :
« Fou ! dit Gorvenal, hâte-toi, fuyons par ce chemin. »
Ils parvinrent enfin à l'ermitage où ils trouvèrent, les attendant,
l'ermite qui priait, Iseut qui pleurait.
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Chapitre 11
LE GUÉ AVENTUREUX
Marc fit éveiller son chapelain et lui tendit la lettre. Le clerc brisa la cire
et salua d'abord le roi au nom de Tristan ; puis, ayant habilement déchif-
fré les paroles écrites, il lui rapporta ce que Tristan lui mandait. Marc
l'écouta sans mot dire et se réjouissait en son cSur, car il aimait encore la
reine.
Il convoqua nommément les plus prisés de ses barons, et, quand ils
furent tous assemblés, ils firent silence et le roi parla :
«Seigneurs, j'ai reçu ce bref. Je suis roi sur vous, et vous êtes mes féaux.
Écoutez les choses qui me sont mandées ; puis conseillez-moi, je vous en
requiers, puisque vous me devez le conseil. »
Le chapelain se leva, délia le bref de ses deux mains, et, debout devant
le roi :
«Seigneurs, dit-il, Tristan mande d'abord salut et amour au roi et à
toute sa baronnie. « Roi, ajoute-t-il, quand j'ai eu tué le dragon et que
j'eus conquis la fille du roi d'Irlande, c'est à moi qu'elle fut donnée ; j'étais
maître de la garder, mais je ne l'ai point voulu : je l'ai amenée en votre
contrée et vous l'ai livrée. Pourtant, à peine l'aviez-vous prise pour
femme, des félons vous firent accroire leurs mensonges. En votre colère,
bel oncle, mon seigneur, vous avez voulu nous faire brûler sans juge-
ment. Mais Dieu a été pris de compassion : nous l'avons supplié, il a sau-
vé la reine, et ce fut justice ; moi aussi, en me précipitant d'un rocher éle-
vé, j'échappai, par la puissance de Dieu. Qu'ai-je fait depuis, que l'on
puisse blâmer ? La reine était livrée aux malades, je suis venu à sa res-
cousse, je l'ai emportée : pouvais-je donc manquer en ce besoin à celle
qui avait failli mourir, innocente, à cause de moi ? J'ai fui avec elle par les
bois : pouvais-je donc, pour vous la rendre, sortir de la forêt et descendre
dans la plaine ? N'aviez-vous pas commandé qu'on nous prît morts ou
vifs ? Mais, aujourd'hui comme alors, je suis prêt, beau sire, à donner
mon gage et à soutenir contre tout venant par bataille que jamais la reine
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n'eut pour moi, ni moi pour la reine, d'amour qui vous fût une offense.
Ordonnez le combat : je ne récuse nul adversaire, et, si je ne puis prouver
mon droit, faites-moi brûler devant vos hommes. Mais si je triomphe et
qu'il vous plaise de reprendre Iseut au clair visage, nul de vos barons ne
vous servira mieux que moi ; si, au contraire, vous n'avez cure de mon
service, je passerai la mer, j'irai m'offrir au roi de Gavoie ou au roi de
Frise, et vous n'entendrez plus jamais parler de moi. Sire, prenez conseil
et, si vous ne consentez à nul accord, je ramènerai Iseut en Irlande, où je
l'ai prise ; elle sera reine en son pays. »
Quand les barons cornouaillais entendirent que Tristan leur offrait la
bataille, ils dirent tous au roi :
Sire reprends la reine : ce sont des insensés qui l'ont calomniée auprès
de toi. Quant à Tristan, qu'il s'en aille, ainsi qu'il l'offre guerroyer en Ga-
voie ou près du roi de Frise. Mande-lui de te ramener Iseut, à tel jour et
bientôt. »
Le roi demanda par trois fois :
Nul ne se lève-t-il pour accuser Tristan ? »
Tous se taisaient. Alors il dit au chapelain :
Faites donc un bref au plus vite ; vous avez ouï ce qu'il faut y mettre ;
hâtez-vous de rire : Iseut n'a que trop souffert en ses jeunes années ! Et
que la charte soit suspendue à la branche de la Croix Rouge avant ce
soir ; faites vite ! »
Il ajouta :
Vous direz encore que je leur envoie à tous deux salut et amour. »
Vers la mi-nuit Tristan traversa la Blanche Lande, trouva le bref et
l'apporta scellé à l ermite Ogrin. L'ermite lui lut les lettres : Marc consen-
tait, sur le conseil de tous ses barons à reprendre Iseut, mais non à garder
Tristan comme soudoyer ; pour Tristan, il lui faudrait passer la mer,
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